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Découverte de l'exposition "Figuration narrative" sous la conduite de Jean-Claude Gandur au Musée d'art de Pully
"En pleine révolte” - visite de la collection Pop de la Fondation Gandur pour l’Art
Les images issues de l'exposition, illustrant cet article ne correspondent pas forcément au texte.
C’est par un radieux soleil d’automne que Jean Claude Gandur a reçu la Société des Membres de la Légion d’Honneur (SMLH) au Musée d’Art de Pully pour présenter l’exposition “Figuration Narrative - un autre langage Pop”, issue de ses collections, le vendredi 25 octobre.
“L’art était un véhicule de propagande pour les idées de l'époque, ce sont toujours les mêmes qu’aujourd'hui,” M. Gandur nous dit-il lorsque nous arrivons dans la première salle de l’exposition qui rassemble plus de 80 oeuvres. Devant un tableau de Eduardo Paolozzi, un collage coloré connu sous le nom “Lucky Strike”, figurent les cigarettes et voitures typiquement américaines. “Le Pop démarre déjà en 1948,” ajoute-t-il.
A côté, un gigantesque tableau de l’artiste islandais Erro, ‘Baby Rockefeller’, représente de manière ludique un ‘patchwork’ d’animaux ainsi que les sportifs et super-héros d’outremer. 'L'Amérique prend le dessus sur l’Europe,” commente-t-il sur l'œuvre datée de 1964.
Mais ce sont les tableaux à caractère politique des années 60-70 qui ont vraiment passionné le Genevois d’adoption en formant cette collection, exposée dans un accrochage thématique dans ce cadre intime.
“C'est le tout premier tableau que j’ai acheté,” explique-t-il devant un diptyque de Hervé Telemaque, “One of the 36,000 Marines over our Antilles”, qui dénonce l'impérialisme américain et l’invasion de la République Dominicaine en 1965. M. Gandur note que l’artiste, qu’il a connu, était originaire d' Haïti - qui partage l'île d' Hispaniola avec cette République.
La toile “La Vitre Brisée” de Fernand Teyssier - qui fait l'affiche et la couverture du catalogue - montre un homme qui passe à travers une fenêtre en 1968. “On est en pleine révolte,” le collectionneur raconte. “Regardez bien les CRS qui le poursuivent. Je le sais, parce que j’ai reçu quelques coups de matraque à l'époque.”
L’assassinat de Mehdi Ben Barka à Paris en 1965 est dépeint dans un tableau de Bernard Rancillac, un énorme pistolet figure au premier plan d’un escalier où l’opposant marocain a été tué. Son corps n’a jamais été trouvé. Avec le titre “À verser au dossier de l’Affaire”, il comprend aussi un petit panneau avec un portrait du socialiste, qui se plie pour montrer un miroir de l’autre côté. “Mettez-vous devant, ça pourrait être vous. Il y a toujours un message dans les tableaux,” commente M. Gandur.
“Qu’il s’agisse de représentations de la condition féminine, de conflits armés ou de Mai 68, tout est à lire au second degré dans cette peinture ou viennent s’immiscer allusions, ironie, dérision, voire absurdité,” écrit-t-il dans le catalogue dont il nous a très généreusement fait cadeau.
Les tableaux de Eulalia Grau, une catalane habitant Barcelone actuellement, évoquent la femme comme archétype de la société des années 70, face aux défis du patriarcat. Dans “Gloria efimera” les trois reines de beauté, couronnées et assises dans leurs chaises, sont en contraste avec les trois hommes dynamiques et sportifs jouant au foot.
“Toute cette collection tourne autour de faits réels à l'époque de notre vie,” observe M. Gandur pendant une visite privée de presque 90 minutes.
Au deuxième étage on trouve les œuvres marquantes des “Trente Glorieuses”, la période après-guerre de consommation et de croissance économique sans précédent. Les piscines, les avions et même les tondeuses sont des signes de richesse.
On retrouve Mme Grau avec “Silenci”, une émulsion photographique de 1973, qui dépeint deux hommes sur un banc en train de lire le journal pendant qu’un énorme nuage nucléaire explose derrière eux et tue les oiseaux. “C’est un des tableaux politiques les plus importants. Une bombe atomique explose dans leur dos et ils n’ont rien à cirer,” relate M. Gandur qui devait déjeuner avec l’artiste quelques jours après notre visite.
“Viet Nam 70”, un tableau du normand Ivan Messac, est saisissant. “Cinquante ans avant Banksy, c’est la petite fille avec le drapeau des Viet Cong. C’est un symbole politique très fort.”
Devant “Demain sourit en Rêve”, peint en mai 1968, M. Gandur s'arrête pour dire: “C’est un de mes favoris. C’est une charge des CRS sur le Boulevard St. Michel interprétée par l’artiste Maurice Henry. « Les forces de l’ordre avec les matraques passent sur le corps allongé d’une femme nue ».
La deuxième collaboration entre la Fondation Gandur pour l’Art avec le Musée d’Art de Pully est à (re)voir jusqu’au 15 décembre. Nous espérons vivement qu’il y en aura une troisième!
Stephanie Nebehay, membre de la SMLH